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Nitt prof de FLE
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4 août 2007

L'association

Petit historique de l'immigration chinoise

Après la Première Guerre Mondiale, 130 000 Chinois ont été amenés du Wenzhou, dans la province du Zhejiang, vers la France, pour combler le déficit de main-d'œuvre. Deux milles d'entre eux sont restés, qui ont été rejoints par leurs familles. Ces dernières se sont intégrées et ont repris la gestion des commerces juifs et de maroquinerie après la Seconde Guerre Mondiale.

Le flux migratoire chinois a connu une accalmie pendant 40 ans, et à l'ouverture économique chinoise en 1978, il a repris pour la France, l'Italie, et – pour la région du Wenzhou – d'autres pays européens. La migration chinoise fonctionnant par réseaux, l'installation en France de certains Chinois a conduit leurs familles au sens large, leurs amis et tous les proches géographiques de la région d'origine des premiers migrants à suivre le même chemin. Ce phénomène se retrouve dans le monde entier, mais a toujours été très discret. C'est l'un des flux migratoires les plus féminins ; en effet la proportion hommes-femmes est équilibrée, ce qui se voit rarement dans les autres mouvements de population de cette échelle.

Si la diaspora chinoise est un phénomène d'une telle ampleur et si marqué socialement – les Chinois ont pour réputation de vivre entre eux et de mettre des années, voire des générations à s'acculturer puis à s'intégrer – c'est parce que ce peuple est extrêmement solidaire. Rester groupé, profiter des premiers jalons posés par un voisin, un ami, un frère ou un grand-père est un gage de sécurité. Changer de pays se fait ainsi en douceur, et en cas de problème le groupe aide à retrouver un travail, un logement, même dans de très mauvaises conditions.

Une fois sur le territoire du pays d'accueil, les migrants sont libres de gagner leur vie comme ils l'entendent. La plupart d'entre eux ont été à l'école pendant peu de temps, et leurs qualifications sont minces. Ils profitent alors du réseau, de l'esprit de groupe qui les caractérise pour trouver un emploi, faire des économies, fonder une famille lorsque ce n'est pas déjà fait, et après quelques années de travail acharné ils achètent un petit commerce. Leur volonté de réussir leur permet parfois d'obtenir d'assez bonnes conditions et une intégration suffisante pour envoyer leurs enfants à l'université. En trois générations, ils sont parfaitement intégrés.

C'est dans les quelques années de l'arrivée en France, de la régularisation et de l'installation que l'association HJ intervient. Les migrants chinois, pour trouver une place dans leur pays d'accueil, ont besoin d'apprendre la langue qui y est parlée, d'une assistance pour obtenir des papiers, comprendre les lois relatives à la création d'entreprise, placer les enfants à l'école et décrypter le système social.

L'association HJ

L'association HJ a été créée par des membres d'un collectif chinois le 19 février 2003. Après avoir lancé les activités d'accompagnement, d'aide aux papiers et à l'intégration (création d'un dialogue interculturel et lutte contre le racisme) les membres de l'association ont décidé de créer des cours de français qui manquaient cruellement. Avec l'aide de bénévoles, les cours ont commencé en 2005, au moment où ils ont trouvé les locaux actuels, tout près de Belleville où se trouve l'une des plus importantes communautés chinoises de Paris.

HJ en chinois signifie « convergence ». Le choix de ce nom exprime la volonté de ses fondateurs et de ses membres de rassembler les communautés d'origines étrangères, les français en contact avec elles et les collectivités locales pour créer un climat de découverte mutuelle, d'apprentissage commun et de dialogue afin de s'entraider.

Outre le but d'aide directe aux plus démunis, l'association cherche à casser les stéréotypes apposés sur les migrants chinois par les autorités et la population française, pour faire connaître la vérité sur la diaspora, accomplir un devoir de mémoire envers les ouvriers chinois amenés en France au début du XXème siècle, et permettre à tous les Chinois de France et aux Français d'origine chinoise de s'exprimer librement.

Un projet de partenariat avec la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris est en cours, ainsi qu'une recherche-action. Soutenue par l'ambassade de France en Chine et une université chinoise qui mène des recherches sur place, cette dernière vise à comparer l'évolution sociolinguistique des Chinois qui viennent apprendre le français dans l'association avec celle des Chinois qui restent en communauté.

Organigramme

***

Le financement

L'association où j'ai effectué mon stage n'a rien à cacher, cependant cette partie me semble inutile ici. Tout comme l'organigramme, elle est inutile sauf pour les correcteurs universitaires qui ont besoin de savoir que j'ai creusé le sujet.

Le public

L'association a pour but d'aider tous les migrants dans leurs démarches pour la régularisation et l'installation en France, quelles que soient leurs nationalités. Du fait des réseaux et de la création même de l'association, la majorité des stagiaires qui viennent apprendre le français ou demander une assistance administrative est chinoise, mais on trouve également des stagiaires mongols (deuxième nationalité représentée), japonais, turcs, bengalis, vietnamiens, néo-zélandais, cambodgiens, maliens, sénégalais... ce qui demande parfois aux enseignants de gérer quelques difficultés au niveau interculturel, afin d'assurer un climat détendu dans les classes et de permettre à tous de travailler ensemble.

Les stagiaires adultes ont entre vingt et cinquante-cinq ans, la plupart d'entre eux travaille beaucoup et les horaires sont très variables. Parmi les Chinois, beaucoup sont employés dans la confection textile, d'autres sont cuisiniers, coiffeurs, certains ont été chef d'entreprise ou chanteur lyrique en Chine, et un certain nombre d'entre eux cherchent un emploi. Les stagiaires d'origine africaine ou orientale sont très souvent employés dans la restauration et travaillent de nuit.

Si de nombreux cours de français sont dit « d'alphabétisation », il s'agit toutefois de cours de découverte du français – niveau zéro – plus que de cours d'alphabétisation au sens le plus courant. La plupart des apprenants qui assistent à ces cours ont un faible niveau de scolarisation, mais il ont été à l'école dans leurs pays d'origine, ils maîtrisent l'écrit et ils disposent d'une culture éducative. Les cours d'alphabétisation à destination de publics n'ayant jamais été à l'école et ne connaissant ni l'écriture ni la lecture n'existent pas pour le moment.

La formation linguistique

Les cours de français sont adressés aux plus petits niveaux, dans un souci d'aide aux personnes les plus en détresse. Ainsi, les classes vont de l'alphabétisation au niveau A1.1 du CECR, avec quelques modules courts, comme des classes de phonétique. Cependant, le peu d'apprenants totalement analphabètes et leurs disponibilités variées obligent les responsables pédagogiques à les placer dans les classes qui leur correspondent le plus à l'oral... et dans lesquelles ils sont les seuls à apprendre la lecture et l'écriture en français, quand les autres apprenants, déjà scolarisés au cours de leur vie, n'apprennent « que » le français. Pour les bénévoles et enseignants en charge de ces classes, il s'agit d'un défi quant à la gestion des cours et des groupes, et d'un travail de persuasion chaque jour renouvelé à mener auprès des stagiaires analphabètes.

L'association vise pour chacun de ses apprenants l'obtention du DILF1 pour la préparation duquel elle reçoit une partie de ses fonds. Pour ceux qui ont signé un contrat de neuf mois d'assiduité aux cours, l'inscription est gratuite, car assurée par HJ. Les autres stagiaires peuvent se présenter en passant par l'association, et payent eux-mêmes les frais d'inscription. La mobilisation de toute l'équipe pédagogique pour motiver les stagiaires et leur assurer la meilleure préparation possible est remarquable. En effet, pour nombre d'apprenants, le DILF sera leur tout premier diplôme, et la volonté de valoriser les acquis en français et les efforts pour s'intégrer au pays d'accueil est très nette.

De plus, depuis janvier 2007, le CAI2 est obligatoire. Le Contrat Accueil Intégration prévu par la direction de la population et des migrants, prévoit un diagnostique social et linguistique. Il est demandé outre le respect des droits et devoirs indiqués dans le texte, un niveau de français oral inférieur au niveau A1 du CECR1 : le niveau A1.1. De 200 à 600 heures de français, gratuites, sont offertes afin de donner accès au travail, et de faciliter l'intégration sociale. Tout ceci conduit au DILF, qui reste facultatif. Or pour le renouvellement de la carte de séjour, l'évaluation du niveau de langue se fait à la préfecture par un personnel qui n'est pas formé pour cela et exige plus que le niveau A1.1 du CECR. L'obtention du DILF permet aux stagiaires de l'association une facilitation de ces démarches administratives.

Si l'association est subventionnée en partie pour la préparation au DILF, c'est grâce à la souplesse de ses horaires et des inscriptions, qui permet aux stagiaires d'assister aux cours même lorsqu'ils travaillent, et à l'attention portée aux besoins du public concerné. Dans nombre de centres agréés CAI le niveau de chaque personne et son degré de scolarisation définissent le type de formation qu'il peut suivre. Or il ressort qu'il n'y a pas d'harmonisation des cours, et que dans les associations bénévoles, très peu offrent une formation à leurs membres pour garantir un bon enseignement. Souvent le seul baccalauréat est requis, ainsi qu'une capacité d'empathie, d'organisation ou de ponctualité... Aucune formation en didactique, si ce n'est celle qui est donnée sur place. Les migrants qui parfois n'arrivent pas à suivre les formations ou stages proposés par manque de temps se trouvent dans une situation précaire et ont souvent besoin de deux à trois stages (ces stages sont ceux de 200 heures offerts par l'Etat) pour acquérir un minimum d'autonomie. L'association HJ offre une très bonne alternative à ces carences du système. 

Le soutien scolaire

Le soir, après l'école, ce sont les enfants primo-arrivants qui sont accueillis pour un soutien scolaire. De nombreux migrants chinois, une fois arrivés et établis sur le territoire français, font venir de Chine leurs enfants et les mettent à l'école. En fonction des enseignants qui les ont en charge, les devoirs à faire peuvent être très nombreux, et parfois identiques à ceux des français; par conséquent ils ont besoin d'une assistance linguistique et scolaire pour suivre en classe et ne pas se sentir abandonnés ni dévalorisés. L'école tenant une grande place dans la vie de famille chinoise, les échecs sont très mal vécus, et pas uniquement par les enfants.

Les parents, quant à eux, ont besoin d'une personne relais qui les aide à comprendre le fonctionnement de l'école française, et qui intervienne auprès des enseignants pour les aider à saisir le mécanisme des familles chinoises. Il arrive fréquemment que certaines incompréhensions détériorent les relations parents-équipes pédagogiques, et l'association HJ assure un suivi de chaque enfant inscrit en soutien scolaire, pour garantir son bien-être à l'école française. Le réseau ainsi créé est solide et forme un véritable cocon protecteur autour des enfants qui se sentent rassurés.

Suivant la période de l'année, il y a entre deux et trois classes de soutien scolaire chaque soir, avec un enseignement linguistique d'environ une heure, puis l'aide aux devoirs. Pour des raisons pratiques, le soutien scolaire n'est proposé que pour les enfants d'origine chinoise. Des activités et sorties culturelles sont proposées aux jeunes pour leur permettre de découvrir leur ville et leur pays d'accueil et de parler français en dehors de l'école. De plus, en journée, la responsable se déplace dans les écoles et rencontre les parents et les professeurs. Sa médiation est très appréciée des uns et des autres, même s'il lui faut parfois faire preuve d'opiniâtreté pour se faire entendre, et comprendre, au sein des écoles qui découvrent les enjeux de l'immigration chinoise dans les institutions françaises.

Le matériel pédagogique

HJ étant une association très jeune, elle dispose pour le moment de peu de moyens techniques pour faciliter l'enseignement / apprentissage. Une bibliothèque de manuels de FLE, de très nombreux exercices complémentaires pour les méthodes utilisées en cours, des livres niveau primaire et collège sur les matières principales, des jeux éducatifs sur le français et des flash cards, assortis de deux des trois manuels de la Méthode Boscher4 en très nombreux exemplaires constituent, avec quelques ordinateurs destinés aux employés et bénévoles de l'association, et l'indispensable photocopieuse, l'essentiel du matériel pédagogique. Dans chaque classe un lecteur de CD est mis à disposition pour pouvoir utiliser les versions audio des manuels. Sur les murs des salles sont accrochées des affiches avec les conjugaisons des verbes être et avoir, les lettres de l'alphabet, des cartes du monde et de la France, ainsi que les réalisations des enfants du soutien scolaire. Enfin dans le couloir de l'association, des casiers permettent aux enseignants de laisser sur place des manuels, exercices ou tout autre support de cours.

Au cours de mon stage à HJ, la question d'une amélioration à ce niveau a été soulevée, dès que les finances le permettraient. Il a été entendu qu'une DVDthèque serait mise en place, afin de permettre aux apprenants de découvrir la culture française « de l'intérieur » par le biais de films qui feraient l'objet d'un débat après visionnage. En attendant l'achat de matériel audio-visuel, ces films seraient prêtés et tourneraient dans les classes avant l'exploitation pédagogique. Ce projet est toujours d'actualité, mais nécessite une concertation plus approfondie entre les membres de l'association, ainsi que l'accord du directeur pour être mis en place. De plus l'association HJ voudrait s'équiper d'ordinateurs qui seraient mis à la disposition des apprenants, et pourraient être utilisés en cours.

1Diplôme Initial de Langue Française

2Contrat Accueil et Intégration

3Cadre Européen Commun de Référence pour les langues

4 M. BOSCHER, V. BOSCHER, J. CHAPRON, M.J. CARRÉ Méthode Boscher ou La journée des touts-petits Belin Première édition 1906, dernière édition 2005

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